Certains américains disent ne pas aimer les français mais en réalité ils adorent tout ce qui est français et surtout en Californie. J’ai la chance d’être soutenue dans ma nouvelle vie de spécialiste du vin au féminin américaine par mon éditeur et mon agent Janice Kaplan qui sont des inconditionnels de la « french tuch », de la Provence, de Paris, de notre gastronomie et de nos vins. Pour adapter les conseils qui sont dans les rubriques de mon guide je dois m’imprégner des habitudes alimentaires des femmes américaines et leur approche du vin. Difficile pour moi de faire passer le message lorsque l’on me sert à 16h sous un soleil de plomb, une méthode champenoise rosée sublime du Domaine Carnéros (Taittinger) avec une assiette de fromages français « décoiffante ». Difficile de faire admettre à une américaine que le vin rosé tel qu’il est fait en Provence peut être excellent, même si il est très pâle, qu’il existe des vins rosés subtils et élégants, à ne pas comparer à leur Zinfandel sucré. Encore plus difficile de les convaincre que ce n’est pas le prix d’un vin qui va garantir qu’il est bon, surtout lorsque leur palais est habitué à des vins puissants, très riches en alcool, aux tanins boisés vanillés et à une cuisine souvent sucré salée, épicée et relevée ou au pire des cas dénaturée par les sauces vendues en bouteilles qu’ils y ajoutent.
Cette expérience m’a obligé d’adapter les rubriques de mon guide, de changer mes textes et demander un délai à mon éditeur pour les modifier avant sa sortie. Pour approfondir leurs habitudes de consommation le plus simple c’était de regarder les émissions de cuisine à la télé, ce que j’ai fait non stop le soir. Je suis d’ailleurs devenue incollable sur le vocabulaire culinaire en anglais.
Ici pas de toute c’est de la « bouffe » et non de l’art culinaire, les émissions sont présentées par des animateurs jeunes un peu « dégentés » décontractés et drôles, qui utilisent des tas d’ingrédients vendus en supermarché, qui n’hésitent pas à ouvrir des sachets de surgelés à l’antenne, qui mélangent le sucré des fruits et le salé des légumes à tour de bras, font macérer les viandes avec des épices dans des sachets plastiques et ajoutent des sauces toutes prêtes, ou des trucs lyophilisés. Il y a des moments, j’avais l’impression de me replonger dans les rubriques « la cuisine du placard » des magazines féminins.
Je n’oublierai jamais une recette de dinde pour « thanksgiving » où l’animateur Guy Fieri après avoir vidé la dinde et lui avoir collé aux fesses des tas d’épices lui a enfoncé une canette de bière décapsulée dans le corps et il a positionné la dinde debout dans le four dans un plat, comme si elle était assise sur la canette. Le résultat de la cuisson était paraît-il surprenant de moelleux, mais moi qui est participé pendant plus de deux ans à une émission de cuisine sur France 3 avec des chefs disciplinés et talentueux, je ne m’en suis pas encore remise.
Alors j’ai regardé l’émission de Martha Stewart la cooking business woman la plus célèbre des Etats-Unis, mais abordable dans son style de cuisine avec des vraies recettes et des astuces raisonnables ! puis j’ai enfin trouvé mon bonheur sur la Hallmark channel la chaîne conservatrice américaine qui diffuse en ce moment des recettes de noël délicieuses, même si ce n’est absolument pas les recettes que j’aime, elles sont plus gastronomiques et gourmandes.
J’ai réaliséce au bout de 5 semaines, ce à quoi m’attendre en questionnant beaucoup de jeunes femmes et des chefs, en fréquentant leurs restaurants, ou invitée par des maîtresses de maisons lors de dîners privés, je me sentais une fois de plus pionnière et ravie d’apporter mon expérience et une belle image de la France.
Je sais déjà que ce sera un véritable défi pour transmettre mon savoir vivre du vin français aux américaines qui ne pense pas une seule seconde qu’un vin peut mettre en valeur un plat ou le détruire puisque pour elles, les bons vins sont considérés comme les produits de luxe.