Nuits d’ivresse
Un jour, en ouvrant les mails de ma FAQ j’ai découvert que l’une d’entre vous était venue nous parler des émotions que lui avait procurées un superbe muscat Beaumes-de-Venise dégusté après une nuit d’ivresse amoureuse. Et quelle ne fut pas ma surprise en voyant que le sujet avait réussi à passionner bon nombre d’entre vous, qui à leur tour sont venues témoigner de leurs expériences personnelles, en racontant cette exceptionnelle plénitude sensuelle que leur apporte en plus le plaisir olfactif de certains vins plutôt doux, pendant et après un câlin.
Vous avez été nombreuses à venir vous exprimer sur ma FAQ il y a déjà plusieurs années sur ce sujet et c’est avec surprise que j’ai bien été obligée d’admettre qu’en plus d’être le vin de dessert le plus apprécié des gourmandes, les muscats qu’ils soient du Cap Corse, de Frontignan ou d’ailleurs accompagnent aussi vos nuits d’ivresse amoureuse.
Le muscat cépage préféré des femmes était aussi celui des Papes
(Le plus amusant c’est que le cépage Muscat était au départ le vin de messe des Papes, c’est la raison pour laquelle on retrouve ce cépage dans l’enclave des Papes à Beaumes-de-Venise près d’Avignon).
La dégustation suscite un véritable plaisir
Selon Jean Didier Vincent, célèbre neurobiologiste que j’ai questionné à la suite de vos confidences, les informations captées par notre nez emballent le cortex orbito-frontal droit de notre cerveau, celui du plaisir et des émotions véhiculées ensuite par la dopamine, un neurotransmetteur qui gère nos désirs et nos émotions gourmandes au même titre que nos désirs sexuels. Si vous devenez des « accrocs » du muscat ou des saveurs sucrées, votre cerveau programmé pour fabriquer du plaisir sera dépendant à cette odeur et cette saveur. On peut même aller jusqu’à dire que bien manger et bien boire sont des secrets de longévité. Toujours selon Jean Didier Vincent, si il est en permanence stimulé par le plaisir des émotions gustatives notre cerveau va vieillir moins vite. Alors ne vous privez pas pour lui en fournir !
Si le vin a eu de tout temps des vertus antalgiques, euphorisantes, aphrodisiaques, réconfortantes, anxiolytiques ou encore désinhibitrices, reste qu’il demeure, dans la mémoire de l’humanité, l’élixir qui s’est le plus prêté, aux jeux de l’amour.
Et ce n’est pas un hasard.
Sachez que bu en très petite quantité, le vin fluidifie la membrane des cellules, il facilite les échanges et la libération des messagers chimiques.
C’est en tout cas ce que nous apprennent les docteurs Tran Ky et F. Drouard dans leur bouquin, malicieusement appelé :
Les Aphrodisiaques (Éditions Artulen). Oui, mais encore? Ces spécialistes affirment avec une assurance proprement gaillarde que les endorphines déchargées par certaines cellules nerveuses tendent à dissiper la vigilance tout en augmentant la perception sensorielle, ce qui rend l’individu sensible aux moindres délicatesses exprimées à son égard.
Mais qu’en est-il du Champagne, est-il toujours le complice des femmes ?
La magie liée au Champagne pousse l’audace encore plus loin : « Ce vin du bonheur a pour complices des molécules de béta-carboline, également issues du cerveau. Leur mission consiste à freiner les circuits inhibiteurs. Le désir se retrouve ainsi déchaîné, libre de se dépasser et de s’accomplir. La biologie de la passion est en réalité le résultat d’un concert harmonieux dont les artistes sont à la fois les hormones, la culture et la romance ». Louis XIV l’avait bien compris, il ne servait à la cour de Versailles que du champagne aux femmes, prenant comme prétexte de faire briller leurs yeux. Dans un ouvrage de l’époque, il est même stipulé que le Roi Soleil, avait une vigne expérimentale dans la Marne entourée d’un grand mur, qu’il pratiquait de nombreuses expériences dont celle qui consistait à greffer des pavots importés d’Orient, sur les cépages chardonnay.
Depuis toujours le vin incarne l’amour mystique et l’ivresse spirituelle
Dans toutes les civilisations antiques la culture de la vigne et le vin sont devenus le symbole de la richesse, du pouvoir et du bonheur convoitée par les puissants. Véritable repère de civilisation, le vin s’est enrichi d’une symbolique puissante et d’un caractère divin lorsqu’il gagne le pays de Cana celui des Noces lorsque le Christ change l’eau en vin, puis lorsqu’il part à la conquête des Pharaons d’Egypte où le Dieu du vin Osiris juge les âmes et symbolise la vie après la mort, il devient les larmes d’Horus, et la sueur de Ra. Signes du caractère sacré, la vigne gagne ensuite la citée de Babylone. Dans un récit qui date de 4000 ans, « L’Epopée de Gilgamesh » première œuvre d’imagination jamais écrite, on y décrit un vignoble magique aux fruits de pierres précieuses.
L’histoire du peuple juif est aussi étroitement liée à la vigne. Les récits de la Torah témoignent d’un parfum enivrant de ce vin d’Orient produit d’une vigne prodigue. Il est symbole de bénédiction, de joie et de richesse. Il est aussi très présent dans les moments clefs du rituel de Shabbat.
Dans la Genèse on raconte que c’est Yahé qui a donné à Noé la vigne qu’il a emporté dans l’arche, cet épisode de l’ivresse de Noé si souvent représentée en témoigne. Pour les Grecs qui découvrent le vin il y a 3000 ans c’est une boisson divine, mystérieuse et sacrée la vigne n’appartient-elle pas à la Déesse très ancienne Déméter, mais aussi liée à Dionysos fils de Zeus et Sémélé. Dionysos incarne la quête de spiritualité à partir de la vigne. Dieu de l’ivresse, des forces obscures, il autorise l’extase mystique pour dépasser la mort.
je termine par une belle citation d’un de mes poètes indien préféré il s’agit d’Omar Khayyâm
« Il n’est personne qui sache le secret du futur ; Ce qu’il faut, c’est du vin, l’amour et le repos à discrétion »